LA TABLE RONDE SUR LA CRISE HUMANITAIRE A L’EST DU TCHAD
INTERVENTION DE MONSIEUR FRANCOIS BATALINGAYA, COORDONNATEUR HUMANITAIRE POUR LE TCHAD A LA TABLE RONDE SUR LA CRISE HUMANITAIRE A L’EST DU TCHAD_25 juin 2024
- Madame la Ministre de l’Action sociale, de la solidarité et des affaires humanitaires,
- Mesdames et messieurs les Membres du corps diplomatiques,
- Mesdames et Messieurs les Partenaires Financiers et Chefs des Missions de Coopération,
- Mesdames et messieurs les Représentants des Agences du Système des Nations Unies, chefs des missions des ONG internationales et membres de l’Equipe Humanitaire Pays;
- Distingués invités,
Il me plait, avant toute chose et au nom de la communauté humanitaire du Tchad, de saluer votre présence à la présente table ronde sur la situation humanitaire à l’Est du Tchad, certes symbolique mais combien importante en ce sens qu’elle est l’expression manifeste de l’intérêt que vous portez à la situation d’urgence qui sévit au Tchad en général et dans les provinces de l’est en particulier.
Je salue particulièrement Madame la Ministre, et à travers elle, les hautes autorités du pays qui ont accepté de tenir cette table ronde sous l’égide de Madame la Ministre de l’action sociale, de la solidarité et des affaires humanitaires.
Comme vous le savez, depuis le 15 avril 2023, le Tchad accueille sur son territoire, plus de 600 000 nouveaux réfugiés soudanais et 180 000 retournés tchadiens qui ont fui le conflit armé, en cours au Soudan. Grâce à la générosité de donateurs à tous les niveaux, l’assistance humanitaire a été renforcée à l’Est pour couvrir les besoins vitaux et garantir la protection d’une partie de cette population y compris la communauté hôte dont la situation de précarité déjà avancée, a été fragilisée par ces arrivées massives.
Le Plan de réponse humanitaire 2024 est financé à 17% et ces déficits de financements ont déjà contraints les partenaires à prioriser les interventions de première nécessité, laissant plusieurs besoins des réfugies, des retournés et de la communauté hôte sans réponse.
Mesdames et Messieurs,
- L'assistance dans tous les secteurs est restée en deçà des normes recommandées. Par exemple :
- 40 personnes desservies par latrine au lieu de 20
- Les réfugiés ont accès à seulement 8 litres d'eau par personne et par jour en moyenne, en dessous de la norme de 15/l/p.
- 1 médecin pour 24 551 patients, soit plus du double de la norme médecin/patient de 1/10 000
- Les gestionnaires de cas de protection couvrent en moyenne 80 cas ; quatre fois la norme de 20 cas recommandés par gestionnaire
- 15 000 familles dans les 10 extensions et 5 nouveaux sites attendent toujours un logement décent
L’évaluation multisectorielle de la situation de la communauté hôte qui a été réalisée conjointement par les autorités provinciales et les acteurs humanitaires en mars 2024 a montré l’extrême vulnérabilité des populations hôtes qui sont en première ligne pour accueillir les réfugiés et les retournés en dépit de leurs maigres ressources. Cette population fait face à une crise alimentaire et nutritionnelle sans précédent et qui s’ajoute au système précaire du marché à l’Est qui est affecté, entre autres, par l’inactivité commerciale entre le Tchad et le Soudan pour des raisons sécuritaires du fait de la guerre au Soudan.
Plusieurs localités ont un faible accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement qui est caractérisé par une couverture moyenne en eau potable inférieure à 50% et en assainissement qui n’atteint pas 10%. Près de 55% de la population consomment des eaux de surfaces ou des puits ouverts, non potables et sans aucun mécanisme de traitement.
L’accès aux soins de santé reste une préoccupation majeure. Il est noté une faible couverture sanitaire, des besoins en ressources humaines qualifiées, l’éloignement des centres de santé réduisant l’accès à ces services et par conséquent limitant le niveau de prise en charge des enfants et des femmes enceintes.
Autant des besoins qui touchent la communauté hôte et qui nécessitent aussi bien des actions d’urgence que des actions ardues de développement pour répondre à ces besoins dont la plupart sont d’origine structurelle.
Mesdames et Messieurs.
La table ronde de ce jour s’inscrit dans le cadre de la nécessité de mobiliser des ressources additionnelles pour faire face aux priorités identifiées dans la réponse à l’Est pour les trois prochains mois et au moment où s’installe la saison pluvieuse.
En effet, l’afflux des réfugiés continue avec une moyenne de 630 personnes qui traversent journalièrement le poste frontalier international d’Adré qui a reçu 52% des nouveaux arrivants. Cette petite ville a vu sa population multipliée par quatre, dont plus de 20 communautés d’accueil à Adré qui accueillent actuellement plus de 35 000 retournés tchadiens.
Les partenaires ont construit dix extensions des sites, cinq nouveaux sites de réfugiés et deux nouveaux villages de retournés tchadiens équipés de services et d’infrastructures de base, notamment des abris familiaux, des cliniques mobiles, des points d’eau, des installations sanitaires et éducatives. Plus de la moitié des nouveaux arrivants, vivent dans de mauvaises conditions sur des sites spontanés le long de la frontière, dont plus de 200 000 à Adré, attendant toujours d’être relocalisés.
Ces nouveaux arrivants continuent de vivre dans des conditions de surpeuplement et d’insalubrité, ce qui augmente leur vulnérabilité aux risques de protection et aux menaces sur leur santé et leur bien-être. Cette vulnérabilité sera aggravée par la saison pluvieuse qui, non seulement va limiter l’accès des acteurs humanitaires à cette population et à l’opportunité de leur relocalisation, mais également cette période est propice aux maladies épidémiques qui risquent de survenir dans les conditions de surpeuplement dans lesquelles vivent ces nouveaux arrivants. Ainsi, il y a nécessité d’agir en urgence et maintenant avant que l’accès à cette population ne soit rendu difficile.
Mesdames et Messieurs, j’en appelle à votre générosité, jamais démentie, pour que des ressources additionnelles soient mises urgemment et sans délais à notre disposition car c’est maintenant que nous devons agir, demain sera trop tard.
En considérant les priorités du Plan de réponse humanitaire 2024 et les besoins vitaux de la population de l’Est, la communauté humanitaire a besoin de 86 millions de dollars USD pour répondre aux besoins les plus urgents pour les trois prochains mois en faveur de 450 000 personnes constituées de 150 000 réfugiés et retournés et 300 000 personnes de la communauté hôte.
Ce fonds permettra aux acteurs humanitaires de :
- Mettre en place trois nouveaux sites avec des services et d'infrastructures essentiels ($50 millions) dans le but de reloger jusqu'à 150 000 nouveaux arrivants en vue d’améliorer les conditions de vie de ces personnes vulnérables qui font face à la surpopulation et à l'insalubrité en leur offrant un logement adéquat, de la nourriture, de l'eau potable, ainsi qu’un accès aux services de santé et à l'éducation, leur assurant ainsi une protection vitale.
- Répondre aux besoins en sécurité alimentaire et en eau, hygiène et assainissement pour les retournés. Pour ce faire, il y a nécessité de continuer l’enregistrement biométrique pour assurer que les plus vulnérables aient accès à l’assistance d’urgence. Ces besoins sont de l’ordre de 10 millions de dollars USD.
- Répondre aux besoins de 300 000 personnes de la communauté hôte en insécurité alimentaire et malnutrition à travers une assistance alimentaire d’urgence et un appui aux moyens d’existence, renforcer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement et assurer une prise en charge sanitaire. Ces besoins sont de l’ordre de 26 millions de dollars USD
Mesdames et Messieurs,
Distingués invités
Je saisis cette occasion pour affirmer ma reconnaissance et ma gratitude aux autorités nationales et provinciales pour les efforts consentis à faciliter l’accès des acteurs humanitaires sur le terrain à travers un traitement diligent des demandes d’autorisation de circuler, l’organisation des escortes militaires en dernier recours et divers appuis pour apporter la réponse aux populations affectées.
Je voudrais également remercier les donateurs et les partenaires financiers qui, dans un contexte global de difficultés économiques et financières et de multiples crises humanitaires à travers le monde, n’ont jamais cessé de nous soutenir afin que nous disposions des ressources nécessaires pour mettre en œuvre des programmes humanitaires et de développement au profit des populations et en soutien aux efforts du gouvernement.
Je réitère l’engagement de toute la communauté humanitaire internationale à appuyer le Gouvernement du Tchad dans ses efforts quotidiens de fournir, une assistance humanitaire rapide et efficace tout en privilégiant des solutions durables à la crise.
Je vous remercie.